Droit et ingénierie commerciale
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‘‘Panama papers’’ ou les revers de la popularité des sociétés offshores
Comprendre le montage juridique en arrière plan
L’actualité des « Panama papers »…
Il s’agit du scandale politico-médiatique qui a révélé la popularité des sociétés offshores avec la fuite de plus de 11,5 millions de documents confidentiels issus du cabinet d’avocats panaméen Mossack – Fonseca. Ce scandale a détaillé des informations sur plus de 214 000 sociétés offshores ainsi que les noms des actionnaires de ces sociétés.
Mais avant tout, qu’est-ce qu’une société offshore ? Le mécanisme des sociétés offshores est complexe, nébuleux, pour ne pas dire mystérieux. Il n’existe pas à proprement parler de définition juridique d’une telle société. Au sens littéral, il s’agit d’une société «loin de la berge» ou «loin du rivage». Dans le contexte juridique, on pensera plus à une société «écran» ou «sans résidence » ou plus techniquement «extra-territorialisée». En réalité, il s’agit d’une société créée dans un pays dans lequel les associés ou actionnaires réels ne sont pas résidents et qui est dirigée hors du pays d’immatriculation officielle.
La réalité juridique des sociétés offshores …
Les sociétés sont des personnes fictives qui n’existent que du point de vue du droit. Parler de résidence de société est donc une fiction. On retient le concept de siège social avec précisément un Etat de rattachement dont la loi régit tout ce que fait cette société. La société offshore est donc une forme de société écran, qui présente toutes les caractéristiques d’une société réelle (immatriculée), mais dont l’apparence ne correspond pas à la réalité (réelle sur papier en un endroit mais cachant une autre invisible). Il existe d’importantes suspicions concernant la légalité de ces sociétés, notamment sur leur rôle en matière de blanchiment d’argent, de fraude fiscale et autres infractions économiques transfrontalières.
Comme on le dit en langage courant, «tout ce qui n’est pas interdit est permis». En ce sens, la création d’une société offshore n’est pas illicite en soi ; c’est l’utilisation qui en est faite qui peut l’être ! On peut créer une société offshore et déclarer les profits tirés des activités de cette société dans le pays d’établissement et dans son pays de résidence effective ce qui est à promouvoir. Par contre, et c’est ce qu’on remarque souvent dans la grande majorité des cas, les sociétés offshores sont érigées à des fins frauduleuses. Ceci explique que dès qu’on en crée, on présume qu’on a quelque chose à cacher.
Le montage en pratique…
Une société offshore a son siège dans un Etat A, le Panama en l’occurrence, mais exerce toute son activité dans un Etat B, le Nigéria par exemple. La société est donc bien résidente de l’Etat A, du point de vue juridique et administratif, mais son activité réelle, ou ses biens immobiliers sont localisés dans l’Etat B. On peut, pour mieux complexifier et assurer l’étanchéité du montage, faire appel aux services d’un nominee qui, au niveau de l’état non coopératif, agit secrètement au nom de l’actionnaire. Le nominee permet donc de rendre plus opaque les liens entre l’actionnaire et la société.
Les avantages des sociétés offshores
Les sociétés offshores sont souvent utilisées dans des pays où la fiscalité est avantageuse. L’un des premiers objectifs licites à créer une société offshore est de rechercher cette facilité fiscale à travers le montage complexe. La mise en place d’une société offshore permet de mettre en place des écrans opaques selon le nombre de sociétés offshores intermédiaires. L’Etat d’accueil, s’il veut encourager l’implantation de sociétés offshores, ne va que très peu imposer les sociétés qui se domicilient sur son territoire. C’est le cas du Luxembourg ou des Seychelles, de Singapour, de Hong-Kong, etc. qui sont de célèbres paradis fiscaux légaux.
La création d’une société offshore ne signifie pas nécessairement l’existence d’une défiscalisation totale car les États ont parfois d’autres procédés pour aller rechercher et taxer des sociétés non immatriculées sur leur sol mais qui y exercent effectivement des activités. L’avantage ici étant que cet Etat aura tout de même plus de mal à identifier une distribution de dividendes à un contribuable donné s’il est impossible de savoir si ce contribuable est associé de la société, et si la distribution intervient au surplus dans un Etat étranger qui ne collabore pas.
La deuxième série d’objectifs tient souvent la recherche à l’étranger d’une forme juridique que l’on ne trouve pas dans un espace juridique donné. Cet avantage est moins possible au sein des États de l’Organisation pour l’Harmonisation en Afrique du Droit des Affaires (OHADA) où le droit des sociétés commerciales est uniformisé comparé au droit de l’Union européenne (UE). Dans une approche comparée de la réglementation de l’UE et celle de l’OHADA, cette dernière, tout en ne prohibant pas les sociétés offshores, se prêterait moins à ces montages. En effet, dans le droit de l’UE, des textes nationaux peuvent proposer des organisations plus ou moins performantes, avec un contrôle plus ou moins fort des associés sur l’action des dirigeants, un capital social requis plus ou moins élevé, et ainsi de suite.
Le montage est-il légal ?
Mais la question qu’on pourrait se poser est de savoir s’il est licite d’éviter des obligations propres à son lieu de résidence en allant chercher une autre forme juridique plus permissive ailleurs ? En principe oui même si moralement on pourrait démontrer l’immoralité de l’acte surtout entre investisseurs tous du même pays de résidence. Mais si les investisseurs viennent de plusieurs pays, même l’immoralité est relative au regard de la conformité légale du montage qui optimise la rentabilité du projet.
Exemple : Je suis béninois, j’ai un investissement à faire avec un nigérian. Si l’affaire doit se dérouler au Bénin mais que le droit du Ghana est plus avantageux fiscalement et offre plus de souplesse dans l’organisation des pouvoirs et le fonctionnement que les droits du Bénin et du Nigéria, rien ne m’interdit d’immatriculer ma société au Ghana. Ce choix peut aussi être fait juste pour nous départager en cas de désaccord sur le choix de la loi applicable. Il ne s’agirait en rien d’une fraude.
Une troisième série d’objectifs est relative à l’introduction d’une complexité dans le montage juridique (schéma d’organisation de la société ou du patrimoine) ; complexité couplée à la confidentialité qui permettent de perdre l’administration sociale (santé ; hygiène et sécurité ; prévoyance sociale ; etc.) et fiscale quant au fonctionnement de votre structure. Et si le hasard veut que ce montage soit logé dans un pays comme le Panama qui est très opaque, alors très peu d’informations circuleraient sur la structure et ainsi elle serait plus à même de cacher ses actionnaires, ses activités, ses revenus, etc.
Exemple : Vous avez Monsieur X qui vous doit de l’argent. Même si vous savez qu’il a de nombreux biens détenus par une ou plusieurs sociétés, quand ces sociétés sont offshores, juridiquement rien ne le rattache à elles et donc à ces biens. Vous ne pouvez donc jamais pratiquer une saisie sur ces biens officiellement et prospérer. Si vous voulez établir le lien avec les sociétés offshores, il faut faire des démarches auprès de l’autorité de constitution de la société. Et justement si cette autorité est au Panama par exemple, il vous sera impossible d’avoir des informations sur les propriétaires de la société et Monsieur X échappera à vos poursuites aussi simplement. Il vient ainsi de protéger ses biens grâce à la société offshore.
Voilà comment la mise en place d’une société offshore dans des états non coopératifs, peut rendre une activité légale comme illégale indétectable : il sera impossible d’établir le lien entre l’associé (actionnaire) et la société. L’associé (actionnaire) peut ainsi jouir d’un bien de la société, mais vous ne saurez pas qu’il contrôle la société. La société lui verse des sommes d’argent, mais sur un compte à l’étranger, et vous ne savez même pas qu’il y a de tels transferts et de tels liens entre la société et l’actionnaire.
Pistes de solutions pour lutter contre les sociétés offshores illicites
En règle générale, l’Etat de constitution de la société tient un registre des sociétés qui se sont constituées sur son territoire et y ont établi leur siège social. Donc en principe, si les registres de tous les États étaient disponibles, un actionnaire ne pourrait pas créer de société et cacher son identité. Plutôt donc que d’obliger les États à aller collecter les registres, il serait utile que ces registres soient inter-reliés entre eux.
En effet, on peut citer l’exemple de l’OHADA qui a mis sur pied un registre du commerce et du crédit mobilier (RCCM) au niveau local, national et régional au sein des dix sept (17) États membres. Il serait donc opportun que des conventions d’harmonisation se fassent entre les Etats pour l’établissement de registres transnationaux hors de l’espace de l’OHADA. L’Union européenne gagnerait ainsi en matière d’immatriculation de sociétés à harmoniser ses registres pour éviter la recherche des législations qui permettent de cacher leurs propriétaires ou de réduire drastiquement les impôts. La proposition ne serait cependant efficace que si les Etats non coopératifs acceptent d’harmoniser leurs registres. Le but n’est pas d’interdire les sociétés offshores mais plutôt de pouvoir retracer celles qui exercent des activités illicites telles le blanchiment de capitaux, la fraude fiscale, etc.
L’expertise D&Partners
On peut créer une société offshore mais il faut savoir s’y prendre pour rester dans les limites de la légalité et ne pas simplement créer et reporter à plus tard certaines conséquences désastreuses pour sa structure (réintégration, redressement, etc.). L’optimisation juridique ou fiscale ne s’improvise pas et se pense dès le développement de l’idée d’entreprise. D&PARTNERS et son pool d’experts juristes, avocats, comptables et fiscalistes se tiennent prêts à vous accompagner! Contactez-nous ici : NOS SOLUTIONS, VOTRE SUCCES !
Dr Karel Osiris DOGUE (LL.D. Montréal),
Consultant D&Partners
infos@dpartners-africa.com